Publié le 09.10.2025

La LITT : au secours de patients à lésions neurologiques chirurgicalement inaccessibles

Dossier du mois

Par le Dr Sophie Schuind, Neurochirurgienne

Nous avons la chance, au sein de l’H.U.B-Erasme, et grâce au Fonds Erasme, d’être le seul centre en Belgique à disposer de cette machine de LITT, pour Laser Interstitial Thermal Therapy. Ces quatre lettres recouvrent une avancée formidable : notre capacité à traiter, par thermoablation au laser, des lésions cérébrales qui sont difficilement accessibles, voire inaccessibles, par chirurgie classique. Grâce à un procédé stéréotaxique extrêmement précis, au millimètre près, nous pouvons cibler et traiter, de l’intérieur, des zones du cerveau pathologiques que nous avons soigneusement analysées et délimitées, en équipe pluridisciplinaire. 

En pratique, une fibre optique est insérée au bloc opératoire au sein de la lésion, qui permettra de monter la température en instillant de la lumière au sein de celle-ci. Nous surveillons, en temps réel sous IRM, cette montée de température jusqu’à dépasser le seuil toxique uniquement dans la zone souhaitée, tout en protégeant avec une grande rigueur l’intégrité des structures adjacentes. La sécurité des zones autour est garantie, et c’est fondamental : c’est souvent la proximité avec ces structures qu’on ne veut pas léser qui rend justement la chirurgie classique trop risquée pour ces patients. 

La LITT a d’abord été développée chez des patients présentant des lésions dites épileptogènes. Nous avons au sein de l'H.U.B une équipe multidisciplinaire remarquable, spécialisée dans la localisation, avec des outils de pointe comme la magnétoencéphalographie (MEG) et d’autres techniques, des zones à traiter parfois invisibles à l’IRM classique. Ensemble, nous construisons une véritable carte personnalisée de la zone responsable du départ des crises du patient et qui devra être ablatée si on souhaite le guérir de son épilepsie. Bien sûr, la majorité des lésions épileptologènes restent accessibles à une résection par chirurgie, mais il existe des patients pour qui la chirurgie classique est associée à des risques de séquelles indélébiles si les lésions sont proches ou même situées en zone fonctionnelle: paralysie, troubles du langage, voire de la mémoire. 

Actuellement, la LITT, validée à l’international, s’impose comme la solution la plus efficace et la moins traumatisante pour ces patients à risque, notamment dans des pathologies comme les hamartomes hypothalamiques ou les épilepsies par sclérose hippocampique sur hémisphère dominant. Pour ces derniers patients, une chirurgie curative n’était pas proposable jusqu’à l’arrivée du laser car les risques de séquelles étaient trop importants. 

Bien que l’essentiel de la chirurgie de l’épilepsie demeure classique, la LITT permet d’ouvrir des perspectives à ceux et celles pour qui il n’existait, jusqu’ici, aucune solution réaliste. Il n’y a pas si longtemps, nous ne pouvions rien proposer à ces patients. Désormais, c’est possible – c’est même plus, c’est concret, cela guérit certains patients de leur épilepsie et transforme leurs vies. L’autre volet enthousiasmant est le confort des patients grâce au caractère mini-invasif de la technique. Là où une intervention classique nécessite l’ouverture du crâne, une lourde récupération, ici on entre par un petit orifice de deux millimètres ; la procédure est réalisée sous suivi d’imagerie immédiat et, dans la plupart des cas, nos patients sortent le lendemain, reprennent leurs activités quotidiennes très vite, parfois leur travail dans la semaine. 

C’est une révolution dans l’expérience et la convalescence. Aujourd’hui, aux États-Unis, certains patients éligibles à la chirurgie ouverte préfèrent donc volontiers la LITT, tant elle est moins invasive, peu agressive, parfois au prix d’une efficacité réduite mais compensée par une récupération express. En Europe, pour l’instant, ce traitement reste réservé à celles et ceux pour qui aucune alternative chirurgicale acceptable n’existe, car l’efficacité à long terme en termes de contrôle de l’épilepsie prime sur le confort de l’intervention.
 

Outre l’épilepsie, la LITT s’adresse aussi à d’autres types de lésions : tumeurs cérébrales profondes inaccessibles autrement, cavernomes, toutes situations où la chirurgie classique serait trop risquée. Les résultats en termes de contrôle des petites tumeurs semblent également comparables à la chirurgie conventionnelle selon les premières données scientifiques internationales. Un projet de recherche a été récemment lancé dans ce contexte au sein de l'H.U.B pour vérifier l’efficacité du traitement par LITT sur les tumeurs cérébrales malignes, en mettant l’accent sur la garantie d’une meilleure qualité de vie et la réduction du recours aux chirurgies lourdes pour des patients souvent
déjà lourdement éprouvés par les traitements oncologiques.
 

Depuis novembre 2024, neuf patients ont bénéficié d’un traitement par LITT au sein d'H.U.B – c’est à ce jour la plus large série réalisée en Belgique. Ces patients étaient tous porteurs de lésions épileptogènes ou oncologiques inaccessibles chirurgicalement et le résultat du traitement, aussi bien sur le contrôle des crises ou de la tumeur que sur la récupération, est très encourageant – la majorité sont sortis le lendemain et sont satisfaits du confort de la technique. Cette possibilité nous est offerte grâce au soutien notamment du Fonds Erasme, qui a permis l’acquisition de la machine et d’une partie des fibres nécessaires. Notre ambition est de poursuivre sur cette lancée : nous développons en parallèle des nouveaux traitements planifiés, des projets de recherche multidisciplinaire notamment sur l’épilepsie pour vérifier l’efficacité et affiner la sélection des meilleurs candidats pour la LITT, optimiser les techniques de cartographie et continuer à progresser ensemble pour maximaliser la probabilité de guérison des patients et leur qualité de vie. Ces projets nécessitent de nouveaux financements auxquels s’associera le Fonds Erasme.

Enfin, si j’insiste beaucoup sur la technique et l’efficacité de la thermoablation, sa mini-invasivité et son confort, j’aimerais souligner que les succès des premiers traitements réalisés reposent sur les compétences collectives des équipes des Prs Olivier De Witte, Xavier de Tiège et Nicolas Gaspard qui associent leur expertise pour offrir cette technologie de pointe à nos patients : une thérapie précise n’est efficace que si elle est bien guidée. Ce que nous offrons, au fond, c’est la chance de proposer enfin une solution concrète, sûre, à des patients pour qui l’arsenal thérapeutique était autrefois désespérément vide. Et toute cette aventure, c’est d’abord l’histoire d’une équipe soudée, passionnée par le progrès et le service aux patients.