Une recherche innovante en andrologie
L'infertilité au masculin
Entretien avec le Dr David Pening
En 2025, un couple sur six a recours à la procréation médicalement assistée (PMA) pour concevoir un enfant. Dans près de la moitié des cas, l’origine de l’infertilité est liée à des facteurs masculins. Actuellement, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) établit des normes pour évaluer la qualité du sperme via le spermogramme, mais ces critères demeurent imparfaits pour mesurer la qualité intrinsèque des spermatozoïdes. Ce manque de précision peut expliquer pourquoi, malgré des spermogrammes apparemment normaux, des échecs de fécondation surviennent encore fréquemment.
C’est ce phénomène que j'étudie dans le cadre de mon projet de recherche, soutenu par le Fonds Erasme. Mon objectif est de mieux comprendre le processus de capacitation, qui permet aux spermatozoïdes d’acquérir leur pouvoir fécondant dans le tractus génital féminin. Ce processus, essentiel pour la fertilisation de l’ovocyte, est encore largement méconnu, notamment en ce qui concerne le rôle précis des canaux ioniques impliqués dans la capacitation et la réaction acrosomiale qui s’en suit.
Je me penche donc sur l’identification de nouveaux paramètres non étudiés en routine pour évaluer la qualité fécondante du sperme et comprendre pourquoi des échantillons de sperme étiquetés comme normaux respectant les critères de l’OMS, et apriori fertiles, ne le sont pas. Il existerait donc des facteurs non mesurés par les tests traditionnels, notamment ceux liés à la capacitation. Les identifier pourrait révolutionner le diagnostic et le traitement de l’infertilité masculine.
J’ai commencé par étudier le phénomène de capacitation sur des échantillons de sperme normaux congelés et donnés à la recherche à leur fin de garde. L’objectif est de comprendre l’impact des techniques de congélation et décongélation sur la qualité du sperme, notamment sur la viabilité et la motilité des spermatozoïdes, et sur le phénomène de capacitation.
L’utilisation de pailles de sperme congelé est courante dans les techniques de PMA, telles que la fécondation in vitro (FIV) ou l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI), et elle est également utilisée pour la préservation de la fertilité, notamment chez les patients atteints de cancer. Cependant, la congélation et décongélation ont des effets délétères sur la qualité du sperme, réduisant sa viabilité et sa motilité. Mon travail vise à mieux comprendre ces impacts et à identifier des spermatozoïdes plus fécondants, afin de garantir de meilleures chances de succès pour nos patients ayant recours aux traitements de fertilité.
J’ai pu démontrer que, dans un milieu capacitant, les spermatozoïdes décongelés présentent des taux relativement élevés de réactions acrosomiales spontanées. Le degré d’hyperpolarisation de leur membrane plasmique et l’alcalinisation du pH intracellulaire spermatique ont été mesurés. L’un des défis de cette recherche est de corréler ces paramètres de capacitation avec des indicateurs de succès clinique, tels que les taux d’implantation embryonnaire, de grossesse et d’accouchements. Bien que la littérature actuelle soit pauvre en données sur le sujet, mon équipe et moi-même travaillons activement à combler ces lacunes sur le sperme congelé, en cherchant à établir des liens avec les résultats des traitements.
Un autre aspect fascinant de notre étude réside dans les variations intra-individuelles observées chez un même donneur, ce qui pourrait avoir un impact sur les chances de réussite de la fécondation. Comparer les paramètres de capacitation entre plusieurs éjaculats d'un même donneur pourrait nous permettre de mieux comprendre quels spermatozoïdes sont les plus aptes à féconder et donc prédire les meilleures chances de succès des traitements.
Les résultats de cette recherche, qui ont déjà fait l’objet de plusieurs présentations lors de conférences, pourront potentiellement transformer les pratiques cliniques dans le domaine de la fertilité. Je remercie toute l’équipe du laboratoire de recherche en reproduction humaine pour son soutien et sa contribution précieuse dans l’avancée de nos travaux dans les délais les plus courts possibles.
Mon objectif est de publier ces résultats en 2025, afin de contribuer à l’avancement des connaissances en andrologie et d’améliorer la prise en charge des couples confrontés à l’infertilité masculine. L’hôpital académique, moteur de recherche et d’innovation, doit rester à l’avant-garde de la médecine reproductive, en mettant en œuvre une stratégie innovante pour apporter des solutions concrètes aux patients.