Publié le 22.01.2025

Une nouvelle approche pour décrypter  les maladies rénales héréditaires

Quand nos gènes parlent

Entretien avec le Dr Sorya Fagnoul

Pourquoi ce projet ?

Mon objectif principal est d'améliorer le diagnostic génétique des maladies rénales. Aujourd'hui, on estime qu'environ 10 % des maladies rénales sont d'origine génétique. Ces maladies, dites monogéniques, sont causées par une mutation dans un gène précis. La plus connue d'entre elles est la polykystose rénale, associée à des mutations dans le gène PKD1, mais il y a plus de 400 maladies rénales monogéniques connues aujourd’hui.

Cependant, un des défis majeurs est qu'une grande partie des variants génétiques identifiés restent de « signification indéterminée ». Autrement dit, on ne sait pas encore s'ils sont responsables de la maladie ou non. Cela limite notre capacité à poser des diagnostics précis.

Comment surmontez-vous ces obstacles ?

Une partie de mon travail consiste à développer des outils fonctionnels pour évaluer ces variants génétiques. Par exemple, en faisant des analyses de recherche sur les urines des patients ou en expérimentant sur des organoïdes rénaux, qui sont des mini-reins développés en laboratoire à partir de cellules souches. En insérant un variant spécifique dans ces organoïdes, nous pourrions observer s’ils développent des kystes ou d’autres anomalies. Ces expériences nous permettent de démontrer si un variant est pathogénique.

Ces organoïdes, bien que microscopiques reconstituent la structure des reins au stade embryonnaire. Grâce à des techniques de coloration, on peut identifier les différentes parties, comme les tubules ou les glomérules, pour analyser précisément les effets des mutations.

Quelles sont les autres avancées de votre projet ?

Une autre piste prometteuse est l’identification des maladies rénales polygéniques, c'est-à-dire causées par une combinaison de mutations dans plusieurs gènes. Les outils actuels, comme le séquençage de l’exome entier (qui analyse toutes les parties codantes de l’ADN), sont performants pour détecter des mutations monogéniques. Cependant, ils ne permettent pas encore de déceler ces combinaisons complexes.

En collaboration avec l’Institut de bioinformatique de Bruxelles (IBsquare), nous explorons de nouvelles approches informatiques pour détecter ces maladies polygéniques. Cela représente un défi immense, mais aussi une opportunité d’élargir nos connaissances sur ces pathologies.

Pourquoi est-ce si important pour les patients ?

Identifier une maladie génétique a plusieurs avantages. Tout d'abord, cela permet de poser un diagnostic précis et d'éviter des investigations invasives, comme les biopsies rénales, qui comportent des risques d’hémorragie. De plus, cela met fin à l’errance diagnostique, une situation éprouvante pour les patients. Actuellement, il faut en moyenne 4 ans et demi pour diagnostiquer une maladie rare.

Ensuite, un diagnostic génétique peut orienter vers des traitements adaptés, même si ceux-ci restent limités pour le moment. Par exemple, certaines maladies bénéficient déjà de traitements spécifiques, et la recherche dans ce domaine progresse rapidement.

Enfin, pour les familles, un diagnostic génétique permet de dépister précocement d'autres membres à risque et de planifier des soins appropriés. Cela est crucial, notamment lorsqu'il s'agit de transplantation rénale. Si un donneur potentiel est porteur de la même mutation, il peut être écarté pour éviter qu’il ne développe à son tour la maladie.

Votre projet aura-t-il un impact durable ?

Mon doctorat me donne l’opportunité de me consacrer pleinement à ces recherches et de développer des outils qui, je l’espère, resteront utilisables à long terme. Même lorsque je retournerai à l’hôpital, ces plateformes, comme celle des organoïdes, continueront d’être un atout pour la communauté scientifique et médicale.

L’accès à la génétique progresse, mais il reste encore beaucoup à faire pour répondre à la demande croissante et améliorer la prise en charge des patients atteints de maladies rares. Nous avançons chaque jour, et j’ai confiance que ces efforts contribueront à transformer le quotidien des patients et de leurs familles.