Publié le 21.12.2022

Réflexions sur les vaccins à ARN

Pr Michel Goldman - 2ième Secrétaire scientifique du Fonds Erasme.

Une victoire de la science collaborative

La pandémie contre le Covid-19 a révélé le formidable potentiel des vaccins à ARN messager. Il sont le fruit de trois décennies de recherche menées par de nombreux chercheurs aux compétences diverses. En effet, le succès des vaccins à ARN ne peut être attribué ni à un seul chercheur, ni à une seule discipline. C'est la convergence des progrès de la biologie moléculaire, de la virologie, de l'immunologie, de la chimie et de la pharmacologie qui a permis leur développement. Sans oublier les contributions des cliniciens-chercheurs, bioinformaticiens et régulateurs qui ont su répondre à l'urgence de santé publique sans compromettre la rigueur nécessaire en matière de sécurité.

Encore fallait-il répondre au défi de la production en masse de ces vaccins. C'est pour y faire face que BioNTech a noué un partenariat avec Pfizer et que le gouvernement américain a lancé l'Operation Warp Speed. En Europe, la Commission Européenne a mis en place un système de pré-commandes groupées pour les 27 Etats Membres qui a permis de faire rapidement bénéficier les citoyens européens d’une protection vaccinale efficace.

Cette mobilisation de l’intelligence collective doit impérativement se poursuivre pour encore améliorer l’efficacité et la sécurité de ces vaccins, de manière à exploiter leur énorme potentiel dans d’autres maladies infectieuses et dans le cancer.

Au-delà de la pandémie: vers des vaccins anti-cancer personnalisés

Les vaccins à ARN présentent de multiples avantages. D'abord et avant tout, ils peuvent être développés très rapidement et produits en masse dès que la séquence génétique de l'antigène à cibler est connue. C'est ainsi que les nouveaux vaccins anti-Covid-19 dirigés contre des sous-variants variants d'Omicron sont devenus disponibles en quelques mois.

Autre avantage: la possibilité d'introduire dans le même vaccin plusieurs ARNs codant pour des antigènes différents. Ainsi, une équipe américaine vient de produire un vaccin contenant les ARNs codant pour 20 variantes de l'hémagglutinine du virus influenza, ouvrant la voie vers un vaccin anti-grippe universel. Pour prévenir les infections respiratoires les plus fréquentes, des vaccins ARN qui protègentsimultanément contre le Covid-19 et la la grippe sont d'ores et déjà en développement.

La capacité des vaccins ARN à induire des réponses immunitaires puissantes est évidemment un atout important pour la protection voire le traitement de maladies infectieuses qui n'ont pu être maîtrisées par les vaccins traditionnels. Actuellement, des essais cliniques sont en cours avec des vaccins à ARN contre le VIH, le cytomégalovirus et le virus Zika.

Pour ces mêmes raisons, les vaccins à ARN devraient permettre des avancées majeures dans l'immunothérapie du cancer. Ils vont en effet permettre d'immuniser simultanément contre un grand nombre d'antigènes tumoraux qui correspondront très exactement à ceux exprimés par la tumeur du patient. Leur capacité à induire la stimulation de réponses des globules blancs tueurs représente un autre avantage déterminant pour éradiquer des cellules cancéreuses. Enfin, les réponses anti-tumorales qu’ils induisent peuvent être renforcées par l'injection d'anticorps « anti-immune checkpoint » dont l'efficacité est maintenant bien établie. Une immunothérapie combinée de ce type développée conjointement par les firmes Moderna et Merck a donné des premiers résultats prometteurs dans le mélanome malin avancé.

Ces nouvelles thérapeutiques basées sur l'ARN doivent encore faire l'objet d'études cliniques rigoureuses pour établir tant leur valeur ajoutée par rapport aux alternatives existantes que leur niveau de sécurité. Si les vaccins anti-Covid déployés durant la pandémie présentaient une balance bénéfice-risque indubitablement positive, les conséquences possibles d'une surstimulation du système immunitaire devront continuer à être surveillées très attentivement de manière à identifier les patients à risque de développer des complications.

Les vaccins à ARN devraient ainsi ouvrir la voie à des vaccins anti-cancer personnalisés.