Projet REMEMBER, la clinique intégrée de la mémoire
FOCUS ON
Entretien avec le Dr Mélanie Strauss
Face aux défis posés par les maladies neurodégénératives et plus particulièrement celles affectant la mémoire, nous avons décidé d'adopter une vision à long terme en développant en parallèle la recherche clinique et un véritable parcours de soins. L'idée est que ces avancées bénéficient directement aux patients.
Grâce à un don majeur au Fonds Erasme pour la recherche sur la maladie d'Alzheimer, nous avons donc créé une clinique intégrée de la mémoire, qui renforce à la fois l'équipe médicale et paramédicale, tout en offrant un suivi beaucoup plus rapproché des patients.
Cette approche repose sur un phénotypage extensif des troubles cognitifs : dès qu'un patient consulte la clinique, nous lui proposons un ensemble d'examens approfondis pour établir un diagnostic de précision et garantir une prise en charge optimale grâce à un soutien pluridisciplinaire.
Notre ambition est de combiner recherche et soins au sein d’une structure dédiée aux maladies neurodégénératives. Cela inclut la création d'une unité d'hospitalisation avec quatre nouvelles chambres spécialisées, conçues pour accueillir temporairement les patients souffrant de troubles cognitifs. L'objectif est d’effectuer en quelques jours un bilan approfondi, intégrant des examens variés pour parvenir à un diagnostic précis et dépister les comorbidités pouvant aggraver la situation.
Des outils de pointe pour un diagnostic affiné
Parmi les innovations majeures de cette unité, nous avons intégré un dispositif de vidéo-électroencéphalographie et polysomnographie permettant d’enregistrer en continu l’activité cérébrale et le sommeil des patients. Ces examens sont essentiels pour détecter d’éventuelles perturbations du sommeil, qui peuvent influencer le pronostic cognitif. En parallèle, nos patients bénéficient d’une batterie d’évaluations incluant des bilans neuropsychologiques, des examens d’imagerie (IRM cérébrale, PET scan), et des consultations avec un ergothérapeute pour évaluer leur autonomie.
Dans le cadre de nos recherches, nous avons également accès à la seule magnéto-encéphalographie MEG en Belgique, à L'H.U.B-Erasme, financée par le Fonds Erasme. Cet outil permet d’analyser en détail l’activité cérébrale et d’affiner notre compréhension des troubles neurodégénératifs.
Un suivi ambulatoire renforcé
Après leur hospitalisation, les patients sont suivis dans une unité ambulatoire spécialisée, où des consultations facilitées sont organisées avec des médecins, neuropsychologues et ergothérapeutes. L’objectif est d’assurer un suivi rapproché, avec des consultations tous les trois mois, afin de détecter rapidement toute aggravation et d’adapter la prise en charge en conséquence. Jusqu’à présent, nous étions seulement deux spécialistes à gérer ces suivis, avec des délais pouvant atteindre un an. Ce nouvel espace nous permettra d’améliorer considérablement notre réactivité et notre efficacité.
Une chambre de réalité virtuelle pour l’évaluation et la thérapie
L’un des projets les plus novateurs de cette unité est la création d’une chambre de réalité virtuelle, qui servira à la fois d’outil diagnostique et thérapeutique. Ce dispositif permettra d’évaluer avec précision les troubles de la navigation spatiale, une fonction affectée précocement dans la maladie d’Alzheimer. Grâce à des simulations immersives, nous pourrons identifier plus finement les difficultés cognitives des patients.
En parallèle, cet espace offrira des environnements apaisants personnalisés, tels qu’une plage, une forêt ou une montagne, afin d’aider les patients à gérer leurs troubles psycho comportementaux, fréquents dans cette pathologie. Cette approche pourrait avoir des bénéfices thérapeutiques significatifs.
Un registre de données pour une recherche collaborative
En plus du développement clinique, nous mettons en place un registre de patients permettant d’analyser les données longitudinales et d’identifier des biomarqueurs précoces de la maladie d’Alzheimer. Ce projet est mené en collaboration avec l’ULB, l’UC-Louvain et l’UZ-Bruxelles, dans le cadre d’une cohorte commune entre les trois grands hôpitaux universitaires bruxellois. Grâce à une base de données partagée et informatisée, nous pourrons renforcer la recherche collaborative et accélérer l’identification de nouveaux marqueurs et traitements.
Vers l’arrivée de nouveaux traitements
Nous nous préparons également à l’introduction de nouveaux traitements anti-amyloïdes, qui visent à éliminer les protéines toxiques responsables de la maladie d’Alzheimer. Aux États-Unis, ou dans d'autres pays comme le Japon et Israël, le Lecanemab, administré par perfusion bihebdomadaire, a déjà été approuvé. Nous espérons que l’Agence européenne du médicament suivra prochainement, afin que ces traitements puissent être accessibles en Belgique.
Les premières données suggèrent que ces traitements sont d’autant plus efficaces lorsqu’ils sont administrés à un stade précoce de la maladie. Cela renforce l’importance du dépistage précoce, afin d’identifier les patients susceptibles de bénéficier au mieux de ces nouvelles thérapies.
Quand faut-il consulter ?
Beaucoup de personnes, notamment en période de ménopause chez la femme, en période de stress, ou en cas de trouble du sommeil, ressentent des troubles cognitifs transitoires qui ne sont pas nécessairement le signe d’une maladie neurodégénérative. Il peuvent toutefois être des facteurs de risque qu'il est important de prendre en charge. Le signal d’alerte doit être un déclin progressif et notable de la mémoire récente, qui impacte la vie quotidienne. Un entourage qui remarque ces difficultés peut également être un indicateur important. De plus, les personnes ayant des antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer ont souvent des inquiétudes légitimes et peuvent bénéficier d’un bilan précoce.
Les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer se manifestent par l’oubli des faits récents, alors que les souvenirs anciens restent bien consolidés. Il peut également y avoir une désorientation spatio-temporelle et des difficultés accrues à organiser des tâches du quotidien. En cas de doute, une consultation dans une clinique spécialisée permet d’évaluer la situation et de poser un diagnostic fiable.
Le sommeil, un élément clé de la prévention
Le sommeil joue un rôle fondamental dans la santé cognitive, tant pour la consolidation des souvenirs que pour l’élimination des toxines cérébrales. Lors du sommeil profond, un système de drainage cérébral, appelé système glymphatique, favorise l’élimination des protéines toxiques comme l’amyloïde et la protéine tau, impliquées dans la maladie d’Alzheimer.
Nous avons initié un projet de stimulation du sommeil lent profond, à l’aide d’un bandeau électroencéphalographique. Ce dispositif détecte les ondes lentes du sommeil et diffuse un son en phase avec celles-ci, favorisant leur amplification. L’objectif est d’analyser si cette stimulation améliore l’élimination des marqueurs toxiques dans le sang.
Mesurer la clairance cérébrale via l’IRM
Un autre axe de recherche vise à développer des séquences d’IRM spécifiques pour mesurer l’activité glymphatique du cerveau. Cette technique non invasive pourrait permettre d’évaluer plus précisément l’efficacité du drainage cérébral chez les patients atteints de troubles cognitifs.
Pour une prise en charge précoce et personnalisée des patients
Avec ces projets innovants, la clinique de la mémoire d’Erasme se positionne comme un centre d’excellence alliant recherche, diagnostic et soins. Notre ambition est de proposer une prise en charge toujours plus précise et personnalisée, en intégrant les dernières avancées scientifiques pour améliorer la qualité de vie des patients.