Mieux accompagner les jeunes à la frontière entre deux mondes
Focus On
Entretien avec le Dr Simone Marchini
Dans le cadre de mon doctorat, j’ai mené une étude longitudinale de cohorte portant sur la transition entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie adulte.
Nous avons suivi des adolescents entre leurs 17 et 19 ans, avec un objectif très concret : concevoir un outil décisionnel à destination des cliniciens qui, chaque jour, doivent trancher dans des situations complexes. Faut-il maintenir une continuité de soins spécialisés à l’entrée dans l’âge adulte ? Ou bien est-il possible, pour ce jeune, d’interrompre ou d’alléger le suivi, en le confiant à son médecin généraliste ou à un psychologue en ville ?
L’enjeu est majeur. Trop souvent, on assiste à des décisions prises dans l’urgence, ou fondées sur des critères trop flous. Or, une mauvaise orientation peut avoir des conséquences graves : soit on maintient inutilement une prise en charge lourde, soit — et c’est plus fréquent — on interrompt prématurément un accompagnement qui aurait été nécessaire. L’état du jeune, alors, se dégrade lentement, parfois sans bruit, jusqu’à une rechute brutale : hospitalisation en urgence, comportements dangereux, rupture sociale ou familiale.
Notre outil vise à structurer cette prise de décision. Il repose sur une série de critères cliniques et psychosociaux, chacun pondéré selon sa valeur prédictive, afin de produire une orientation argumentée, solide, et adaptée à chaque situation. À terme, il prendra la forme d’un arbre décisionnel, que nous espérons informatisé. Le clinicien pourra ainsi, en répondant à quelques questions ciblées, obtenir une estimation fiable de la nécessité ou non d’assurer une transition vers la psychiatrie adulte.
Le traitement des données préliminaires s’est achevé récemment, et nous entamons désormais la phase d’analyse statistique et d’interprétation. Avec ma collègue, le Dr Joana Reis, qui termine également son doctorat, nous préparons la rédaction des articles finaux. L’étude entre dans sa dernière ligne droite. Et notre objectif est clair : proposer un outil en accès libre, simple à utiliser, mais rigoureusement validé. Même dans une version papier, il permettra un calcul rapide. Et s’il est informatisé, ce sera un gain de temps et de clarté considérable pour les cliniciens.
Mais rien de tout cela n’aurait été possible sans le soutien du Fonds Erasme. C’est lui qui m’a permis de dégager le temps nécessaire pour mener ce travail, sans renoncer à ma pratique clinique. Cette articulation entre recherche et terrain est essentielle. Dans ma clinique, je développe des approches thérapeutiques nouvelles. Et pour qu’elles soient pertinentes, il faut les tester, les encadrer, les ajuster à partir de données objectives. Ce va-et-vient constant entre l’innovation et sa validation est au cœur de ma démarche.
Enfin, je tiens à souligner que le Fonds Erasme ne se résume pas à un financement. Il y a derrière un vrai accompagnement humain : des échanges chaleureux, un soutien constant, une proximité qui rend ce parcours dense, mais profondément soutenant. C’est rare, et c’est précieux.